Les « Communautés », piège à Gogo ou empathie cycliste ?

Nous y voilà.
Les « Communities » envahissent notre espace.
Dans le vélo comme partout. Que cachent-elles ? D’où viennent-elles ? Quels sont leurs ressorts ?
Décryptage…

Un départ d’une « Community » Lyonnaise, celle de Grimpeurs Cycliste House. celle-ci est bonne enfants….mais comme toutes les Communauté, son objectif est de faire acheter…

Ne mésestimons pas les communicants.

Ce sont de redoutables professionnels (-lles) qui savent créer le besoin là où 95 % des gens n’en ont probablement pas besoin.
Créer le besoin ou le révéler ? C’est toute la question.
De notre point de vue, nous avons bien notre idée mais est-ce un rejet non fondé ou au contraire, le fruit d’une mure réflexion ?

Voilà notre avis et pourquoi…
Pour les gens de la com’, avec le tout internet, les « Communities » représente une aubaine extraordinaire. Pour que la sauce prenne, tout est une question de moyens et de patience. Tel un félin à l’affût au bord du point d’eau…
Nous, nous sommes les… Gnous !
C’est un mail reçu d’une marque de casque qui nous a définitivement alerté (et un peu énervé…) sur ces drôles de loustics. On apprend ce jour-là que, pour te vendre un casque, par exemple, on t’explique que faire du vélo autrement qu’avant, c’est bien. Mieux, en fait. Parce que nous, on est un peu c… nous ne savons pas comment ni avec qui faire du vélo.

Donc, l’idée c’est faire du Mac Do : Peu importe qui tu es, peu importe comment tu es habillé ou si tu n’as pas le look adapté à ta pratique, « viens comme tu es » dirait le vendeur de hamburger. Sous-entendu, on prend n’importe quoi, n’importe qui. Plus on est de fous, plus on rit. Jaune ?
Et toi tu crois que tu es important.

Le message sous-jacent est donc « on prend tout le monde, on n’est pas raciste, pas misogyne, pas xénophobes, nous ». Open, quoi !
Wahouuuu, give me five, man!

Tu m‘étonnes…
Nos données les intéressent tous. Ils en sont fous. C’est le nerf de la guerre. Nous, à l’AC, pour vendre une de pub, on ne jure que par vous ! Visites, pages vues, visiteurs uniques, taux de rebond et tutti quanti. Mais on ne file vos infos à personne et on ne met sur le site que de la publicité vendue à nos clients. Aucun accord avec celle de google, qui identifie vos pôles d’intérêt en deux secondes et vous mitraille ensuite de bannières et autre pop-up qui bizarrement collent parfaitement avec vos dernières recherches…

Alors, vu le boxon avec Facebook et sa bande de voyous (voir la vidéo récente de Zuckerger devant les sénateurs qui l’accusent de tromperie, tout simplement saisissante), les fabricants et constructeurs commencent à se dire qu’il faut la jouer plus soft pour nous amadouer.

Alors quoi de mieux que de caresser l’animal dans le sens du poil pour qu’on refile nos données sans moufter ?

Une “Community”, mon ami ! Give me five…

Ceux qui se souviennent du commandant Sylvestre sur Canal+  se rappelleront cette phrase magnifique de la marionnette de Stallone : « Nous, on adore les pauvres. Ils n’ont pas beaucoup d’argent mais on va le prendre quand même !

Je me souviens aussi quand Rapha, dans les années 2010/2012 a lancé cette histoire de communauté : Roulons ensemble ! (De préférence habillé en Rapha). Il faut leur rendre honneur, ce sont les premiers en Europe à avoir su déceler l’intérêt d’une telle communication. Good game, les Brit’s…

Ce faisant, ils ont complètement cessé de communiquer sous toutes autres formes de publicité. À l’époque, naïf que je suis, j’ai pensé que c’était une idée insensée…Excepté que c’était gratuit.

La suite m’a ouvert les yeux : Nous avions affaire à un business model nouveau basé sur le mode start-UP : 0n dépense plus qu’on ne gagne mais on occupe la place. L’objectif final, ce sont les données. On construit une base en faisant croire aux gentils cyclistes qu’ils font partie d’un groupe pas comme les autres. On fidélise, on vend et on en apprend de plus en plus sur nos « amis » !
Et quand les produits sont bons et beaux, ce qui est le cas de Rapha, Ça Marche !
Je crois que c’est ce jour-là où j’ai compris que l’Acheteur ne sera jamais riche ! Le deuxième étage de la fusée c’est la création d’« ambassadeurs ».

Trop fort, ça !
Ce nouveau mot, en tout cas dans leurs bouches, c’est la définition stylisée d’un type qu’on ne paye pas mais qui te fait tout de même de la publicité.

Il suffit de lui donner un os à ronger et le changer de temps en temps : Un casque, une tenue, des chaussures et le gars peut même te faire un tour du monde ! il y serait allé sans toi…. Pas de contrat, pas de salaires, pas d’ennuis. Avant, on appelait ça homme-sandwich et c’était payé…En sandwichs !
Vu de l’autre côté, celui du patron/sponsor, on ne peut pas leur en vouloir. Chez nous, en France, embaucher un ambassadeur, c’est se tirer une balle dans le pied vu le coût du travail. Magnifique ré interprétation de l’Homme-Sandwich des années cinquante !

Strava, la « Community » des chômeurs ego centrés !
Prenez Strava. Encore un truc pour idiots. (Oui, je sais, j’y suis…).Pour ceux qui ne font pas partie des 73 millions d’accros, le principe c’est que tu concours contre le monde entier sur un segment de route que tu as défini ou déjà existant.
Dans l’absolu, on peut imaginer que c’est plutôt marrant si ce n’est que savoir que tu es le 1870 -ème plus rapide sur les 10 000 types qui sont passés devant le stop de chez toi jusqu’au rond-point au bout de la rue reste un truc qui indique qu’il faut que tu consultes assez rapidement…

Mais qu’à cela ne tienne, je décide, il y a quelques années, de ne pas mourir comme un vieux grincheux et je les contacte. Mon projet se basait sur une demande : la vôtre. Faire du « tour test » de l’AC un segment Strava. À l’époque, Alex, avait le record. Certes, il n’y avait que moi en face et à part en descente, je ne faisais pas le poids !
Rendez vous est pris à Paris. Dans le 10e arrondissement.
Je suis un vieux parigot…le 10, je connais ce n’est pas l’endroit idéal pour un premier contact. (Enfin ça dépend lequel !)
Ici, rue Saint – Denis, c’est plutôt ambiance picole, bar un peu louche l’insécurité y est assez présente. Curieux choix. Mais je m’y rends. Une fois sur place, surprise, je tombe sur deux (très) jeunots, tranquilles, un en tee-shirt et l’autre habillé pour un rendez-vous. L’adresse donnée est celle d’un bar ! Ils n’ont pas de bureau ou c’est has been de faire un rdv dans un endroit au calme avec des outils à disposition si nécessaire. Je me dis que je suis vraiment à la ramasse et que maintenant ça marche comme.ca. Après tout, Strava commence à être sérieusement connu et leur méthode a du bon …
Je leur expose mon projet. Ils m’indiquent alors qu’il existe même des clubs Strava ! Tu crées ton club et qui veut s’aligner sur tes « segments » y est le bienvenu. Tu peux les réunir, organiser des choses et des sorties ensemble, etc…Plutôt sympa dans l’esprit. Mais très vite le spectre de Big Data ressurgit : L’inscription, ton nom, taille, ton poids, ton vélo, etc, etc…Tout le monde passe à la case « créer votre profil. »

Mes interlocuteurs m’apprennent que l’on peut même créer des clubs et communiquer avec tes ouailles ! Ni une, ni deux, en tant que péquenot du Vaucluse, je décide de créer un club AC Strava.
Give me Five, man !
Quelques jours plus tard, j’ai eu un message très sympa de celui en costume : un « ami » qui travaille dans la com’ et venu donner un coup de main à la toute nouvelle structure Strava France, l’autre, Monsieur T-shirt, qui s’avérera être le « directeur France » est en copie. Le message, sérieusement alambiqué fini par m’indiquer, qu’au final, sauf si on fait le Tour tours test en Draisienne, que ce n’est pas possible : trop dangereux !
Pas pour les autres millions segments à travers le monde donc ou tout le monde peut se dépouiller, sans casque s’il veut, pour battre un illustre inconnu !
Je suis assez déçu. J’aurai adoré vous voire tous sur le Tour test…Et je comprends que le California Start-Up feeling a des limites. Immédiates, en fait. Et puis, même vieux, (grâce à ?) je comprends  soudain : Je prenais Strava à son propre jeu ! Je les utilisais pour un apport vis-à-vis de l’Acheteur cycliste, pas pour Strava. Et ça les amis, dans les « Communities », ou tout le monde est cool, on joue au baby-foot pendant les heures de bureau et on prend ses vacances quand on veut, ça ne passe pas !
On veut bien être cool, sympa et tout mais l’objectif reste la collecte de données pas aider un magazine indépendant et ses lecteurs.
Histoire Strava/AC terminée ! Au suivant…

Les « Communities », une vieille histoire revue et réinventée
Alors, que ce soit Rapha, le « Monsieur casque » que nous évoquions au-dessus ou encore, au jugé, le bikePacking, Liv.cycling et tous les autres, on constate que selon ces gens-là, on serait mieux de rouler avec eux que sans eux. À la bonne heure…me voilà rassuré
Pourtant, J’ai roulé des années sur l’anneau de Longchamps, à Paris. Là-bas, j’ai discuté avec mille cyclards pendant des années. Parfois avec les mêmes sans même connaître leur nom de famille ni rien savoir sur leur vie. Cela a-t-il empêché qui que ce soit de rouler ensemble ?
Depuis toujours, le vélo est un sport individuel pratiqué en équipe. Pour les licenciés, c’est le boulot des clubs, qui au passage ont un rôle éducatif et évidemment sportif. J’ai eu la chance de voir en action l’illustre Jean-François Guiborel s’occuper de tout un club lors d’une sortie d’entraînement.

Un vrai chien de berger ! Les plus jeunes, les plus vieux, calmer les va t’en guerre en pleine forme, gérer la sécurité d’un peloton sur la route, etc.
Des conseils au cordeau. C’est ça une « community ».
Bizarrement, personne n’a rien à y gagner sauf des courses !
Pour les autres, purs amateurs et amoureux du vélo, notamment les débutants dans la force de l’âge, les vélocistes connaissent suffisamment le tissu local de leur région pour répondre à vos questions si vous en avez. Souvent, ils connaissent les groupes de cyclistes du coin et se feront un plaisir de vous aiguiller.
À titre personnel, quand je suis arrivé à Lyon, j’ai trouvé un groupe en 2 semaines. Sans être inscrit à aucune « Community », ni indiquer mon métier, donner mon nom, mon adresse, mon téléphone, mon mail, mes habitudes d’achats, l’âge de mon chien et le nombre de dents de mon plateau avant !

C’est donc extrêmement facile de s’intégrer dans un groupe de cycliste. Il suffit de pousser la porte d’un magasin.
Reste cet instinct grégaire de l’homme qui ne cesse de me surprendre. On le retrouve dans plusieurs sports, comme la course à pied ou le ski de fond.  Et le bien entendu le cyclisme. L’histoire tient dans la quête de l’homme à se mesurer en permanence. Le jour ou vous trouver un peu de sagesse, alors rouler seul devient un plaisir.
Nulle part, il n’est indiqué qu’il faudrait nécessairement rouler en groupe. Encore moins avec exclusivement des cyclistes du même « style » !
Le vélo avait ceci d’attachant, justement, le plaisir de pédaler avec n’importe qui. Pas de caste, pas de critères discriminants, on s’en fout !

Rien ne ramène mieux un homme au niveau du plancher des vaches que de prendre une bonne leçon vélocipédique !
Par exemple quand « Pierrot », illustre inconnu du peloton des habitués, te fait exploser les cuissots en haut du faux plat de Longchamps. Nez dans le guidon, langue pendante, tu as eu tout loisir de découvrir qu’il était en basket avec des chaussettes de tennis ! L’infâme…
Ou le contraire, le mec « super sympa » qui te met à l’abri, du vent, avec qui tu parles de tout et de rien, et qui te sors un jour (parce que la discussion le nécessite) qu’il est le boss d’une boîte de 200 personnes et que là, faut qu’il y aille vraiment, c’est urgent !
Il y a de tout à Longchamps et c’est ce qui lui donne son charme suranné et indestructible. Sauf, bien sûr, si la Maire de Paris décide de mettre des poussettes et des chiens au milieu du peloton de Longchamps. Des rumeurs circulent…

Ah oui, à la mairie de Paris, le vélo sportif, c’est mal : pas un « bobo », pas un mec avec une baguette sous le bras ou une fille vélo avec un cadre col berceau peint avec des petites fleurs. Sorry. Des Longchamps, il y en a partout en France, en Belgique, en Allemagne, en Espagne ou en Italie. On est servi.
De leur côté, j’ai la faiblesse de croire que les « Communities » et leurs têtes pensantes se fichent un peu du vélo. Leur motivation première me paraît moins avouable. Encore et toujours les données…

Le vélo est à la mode ? Nickel, haro sur le vélo. En 80 cela aurait été le Tennis. En 90, le golf…

Le juste milieu ?
On peut légitimement considérer qu’il n’y a rien de mal à rejoindre une communauté X ou Y surtout si vous avez déjà un compte Facebook, auquel cas vous n’avez plus de secret depuis longtemps pour Big Data.
Mais il ne fait aucun doute que ceux qui prônent ce plaisir et la fierté d’appartenir à une communauté connaissent (presque) tout de vous alors que vous ne savez rien d’eux, sont loin, très loin du message qu’ils délivrent. Le simple exemple de Strava qui vous demande quels vélos et quelles chaussures vous utilisez est révélateur.

Alors, tout ceci est-il un bien, un mal, une évolution logique des mœurs ?
Finalement, on constate que ce sont les moyens qui ont changé, pas les hommes. Tout ceci existait déjà depuis bien longtemps, sous des formes moins tortueuses mais que ce soit à la foire de Paris, avec ces incroyables bateleurs vantant des produits improbables, les centres commerciaux le week-end où déambulent (-laient…)des milliers de gens et bien sûr, champions toutes catégories, les grandes surfaces et leur carte de « fidélité » ! C’est moins « Give me five » mais dans l’esprit, on y est ! Mais alors, ce serait la « Community » avant la « Community » ces grandes surfaces ?

Que ferions – nous sans ce brave Michel Edouard Leclerc et son jeu de cartes ?
Pour le coup, nous ne vous apprenons probablement rien mais comme d’habitude avec l’Acheteur, vous l’avez compris, notre message est simplement de vous rappeler qu’il faut savoir raison garder comme disait le grand Jacques, un expert dans la manipulation s’il en est !

Community: Gardez le contrôle.

Alors, “Community”, why not! Mais n’oubliez pas vos neurones au passage. Et les neurones, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. (En général…)

RJ

5 réponses

  1. Merci Thomas !
    Excellent pour Lonchamps. J’avoue que j’aurai bien été des vôtres.
    Pour parler à tout le monde, quand vous êtes a Paris, emmener votre vélo et aller tater de lonchamps. C’est un endroit exceptionnel pour tout cycliste. sans être passéiste, ca sent encore le vélo d’avant : la course, la frime, les histoires et ca fait franchement mal aux guibolles si ca vous dit. Et ça apprend à faire du vélo…
    Alors, ton association, Thomas, c’est super. on fait un sujet quand tu veux sur ce lieu et ce que vous défendez https://velo-longchamp.fr/

  2. Salut Richard ! super article comme d’habitude. Ce qui est génial avec Strava c’est qu’ils ont développés l’application qui pousse le plus à commettre des infractions de la route et cela ne gène personne !?! Un sprint en cote à la campagne ça passe, mais en ville… Je vois que tu parles de Longchamp alors j’en profite pour faire de la pub pour l’association (https://velo-longchamp.fr/) qui vise à sécuriser l’anneau en discutant avec la mairie et en faisant des initiations pour rouler autour de l’anneau (j’en organise une le 16 avril à 17h). C’est gratuit, vise à préserver ce site unique au monde, et on ne collecte pas de données !! Tu sais que des expatriés qui reviennent dans leur pays d’origine après des années passées à Paris me reparle de Longchamp, ça leur manque !!! Bonne route à tous, Thomas

  3. Merci Yves !
    en attendant d’enfin récupérer de nouveaux vélos, on essaie de changer un peu d’axes !

  4. Bravo et merci richard encore un vrai article comme je les aime il y a de la matière

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