Consommation 

Achats « génération Internet »
Plongeon en eaux troubles…

Plus les années, les mois et même les jours passent, plus les comportements d’achat via internet deviennent déraisonnables. L’Acheteur Cycliste a pourtant, en son temps, soit à partir de 2005, vu l’arrivée de la vente directe comme un bienfait.
À l’époque, il faut bien avouer que les magasins ne se mouchaient pas du coude et pratiquaient des marges plus que confortables. Mais, le plus souvent, on avait droit à des conseils de « pros ».
Et si les conseils étaient parfois plus orientés vers des modèles à déstocker au détriment DU modèle parfaitement adapté à nos besoins, au moins, les magasins savaient ce qu’ils faisaient…

Aujourd’hui, la donne a terriblement changé car on a affaire à une génération d’acheteurs d’une naïveté qui laisse songeur.
Acheter sur Internet, c'est avoir confiance. Mais pas dans des inconnus !
Une évolution graduelle mais irréversible
Il y a quinze ans, le commerce via internet avait mauvaise réputation. Quand il y avait réputation… Dans le vélo, après le pionnier des Pure players, CORIMA, l’avènement de Canyon (traité alors comme une marque de supermarché) ou, un peu plus tard, Chain Reaction, considéré eux comme un « truc » de jeunes Vététistes au faible pouvoir d’achat, internet symbolisait les prix bas et surtout l’absence d’expertise et de service. Ça arrangeait tout le monde…Sauf les clients !
Et puis, tout doucement, les choses ont changé.
À force de ventes toujours plus fortes, les prix, toujours aussi agressifs, sont parvenus à instiguer le doute dans la tête des clients historiquement traditionnels. Si, jusqu’alors, on pouvait en magasin « souffrir » d’un service et d’une qualité d’accueil à la bonne franquette voire inexistant, nous n’avions guère le choix : le marchand de vélo était souvent impérieux, sûr de lui, directif et seul maître à bord. C’était suivre les conseils du sachant ou repartir bredouille.
Puis les Hotlines de sites internet se sont professionnalisées. Bien qu’encore sporadiques, irrégulières ou peu efficaces, elles ont envoyé un message jusqu’alors inexistant : Sur internet, on avait non seulement des prix bas mais on n’était plus seul face à l’achat ou en cas de pépins.
Cela a mis les magasins traditionnels en porte-à-faux au fur et à mesure de l’apparition de ces hot-lines et révélé le faible niveau de service dans beaucoup de magasins.
Bref, internet était devenu une alternative pour beaucoup de monde
En France Corima demeure le pionnier de la vente sur Internet. comme quoi...

Le croisement des stratégies

On en est donc arrivé à un croisement des courbes du « service » entre les deux « business models ». Physique ou numérique.Entre les progrès du numérique, les fameux « tutos » qui se généralisent, la dématérialisation du « temps  homme » grâce aux nouvelles pages didactiques des sites internet, des gens comme Rose, Canyon, Bikester ou Origine n’ont cessé de proposer un service de plus en plus pointu : Retour des vélos si pas satisfait ( via un carton prévu à cet effet), présence de logiciel d’étude posturale sur les sites ou garanties étendues coté numérique et , de l’autre, une offre de vélos haut de gamme uniquement disponibles via leur site, la possibilité de commander dans son fauteuil aux heures de fermetures des magasins et  parfois même, la possibilité de choisir la couleur !

Fin du fin, certains « pure players » ont carrément ouvert des magasins physiques ! (Il est vrai un peu contraints et forcés par la loi…).

Au bout du compte, ces changements ont fini par rebattre les cartes : conscient de la différence de prix, les constructeurs classiques et leur réseau de revendeurs ont serré drastiquement les boulons pour offrir aux clients des tarifs serrés (Bulls chez ZEG, BH, etc.…) alors que du côté des pure players, leur débauche de services a fini par peser dans le prix final : Il a alors bien fallu augmenter les prix. 

Enfin, l’intégration du sponsoring dans le business model des pure players via des équipes World tour à définitivement fait basculer les tarifs internet du mauvais côté : Internet n’était plus si attractif qu’à ses débuts.

Privée de repères, la nouvelle génération d’acheteurs s’y perd
C’est à partir des années 2012/2013 que tout bascule. Les pure players sont parvenus à s’acheter une réputation. Souvent à juste titre.
Là encore, Rose, Canyon, Pro Bike Shop ou Origine se signalent. Canyon France s’offre même le luxe de souffler à Scott et consorts le partenariat « premium » du Roc d’azur. L’affront total. Les autres comme l’allemand Rose fête leurs 100 ans et Origine, le « frenchie » de la bande, se lance. 10 ans plus tard, l’E-réputation de ceux-là est au beau fixe : on les sait maintenant dignes de confiance et on les considère comme de vrais constructeurs ou de vrais commerçants.
Mais dans la foulée, sentant l’odeur du sang et des profits, une multitude de prétendants numérique apparaissent. Surfant sur la vague domptée par leurs illustres prédécesseurs, ils s’inventent, eux-mêmes, une légitimité. ET la nouvelle génération plonge les yeux fermés !
Un exemple : Aujourd’hui, si vous tapez « vélo internet » sur google, vous tombez, avant Canyon et tous les autres, sur un site appelé Vélo boutique pro. Nous n’avons rien contre eux mais ce sont d’illustres inconnus (en tout cas par nous) qui ne se gênent pas pour adopter une base line qui surprend : « Velo Boutique Pro, le N°1 de la vente de vélos, les sportifs et amateurs ».
Évidemment, tout est faux. D’autre part, si, ce qui devrait être la base avant toute commande, vous cherchez à savoir à qui vous avez affaire, cliquez sur l’onglet magique, « Qui sommes-nous ». Comme sur l’AC. Mais dans l’internet moderne, le « Qui sommes-nous » est déjà, lui aussi biaisé : il vous dévoile surtout tout… Sauf ce que vous voudriez savoir pour vous rassurer !
Qui sont les gens à la base de cette société ? Quel est leur parcours professionnel ? Quelle est leur expérience, leur légitimité ? Depuis quand existe le site ? Quel est son capital, etc,etc…
Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Et c’est bien le problème.
Que les gens de ce site ne nous en veuillent pas trop  de les avoir pris comme révélateur de l’internet 4,0 mais il représente un exemple parfait de notre propos…
Celui de l’inconnu et de cette confiance aveugle.
Le résultat de cette stratégie couplée à la possibilité d’acheter des emplacements préférentiels et des mots-clés via Google a totalement dépossédé internet du peu de confiance qu’on pouvait encore lui accorder. Désormais, celui qui sort en première page, à la suite d’une requête, c’est celui qui paye mais plus celui qui a le plus de connexions et une meilleure réputation…
Le travail, l’expérience, la maîtrise ne sont donc plus les facteurs de choix. Quel est ce miracle ?
Les avis : l’incompressible crédibilité !
On arrive alors sur les fameux « avis » et autres « étoiles »Chaque commerçant, société, constructeurs, restaurants est désormais noté par les clients. Sur le principe, c’est plutôt une bonne idée. Dans la vraie vie, c’est une catastrophe ! On ne va pas vous refaire la leçon, vous la connaissez autant que nous.Mais voilà, à notre surprise totale, ça à l’air de marcher.
On sait tous que les fameux avis sont basés sur un concept qu’un enfant de 5 ans mettrait en doute : un client lambda – si ce n’est pas une machine — inconnu, dont on ne connaît rien sur son niveau, sa pratique, son âge, son expérience, ses revenus va, « spontanément », encenser ou, au contraire, descendre un commerçant, un site, un hôtel.
Bref, tout ce qui se paye.
En fonction de sa propre son expérience client.
Comment un être normalement constitué peut croire en la valeur de ça une seconde ?
Les quelques potentiels vrais avis vont être immédiatement noyés par une stratégie ultra basique qui gère l’e-réputation du commerçant : faire faire suffisamment de bons commentaires par des amis, un réseau, ou pire, une agence spécialisée pour attendre un niveau de satisfaction suffisant pour amadouer le badaud. Quand on sait qu’il y a déjà 30 ans, les organismes d’études de comportement média telles que l’ IFOP savaient que sur dix expériences négatives, quatre seraient partagées et que sur dix positives, une seule le serait, on a de quoi être inquiet sur le niveau d’information qu’apportent les avis clients !
Et ce, sans manipulation. Imaginez avec…
Pourtant, rien ne semble mettre en doute la confiance des clients…<br>Nous avons décelé deux raisons à cela : la première, c’est que la majorité des clients sont ignorants de la chose cycliste. Ils ne peuvent donc rien évaluer
La seconde, la plus grave, c’est le manque d’exigence des clients quant à la réalité des choses. Une attitude qui laisse la porte ouverte à toutes les manipulations.
L’exigence des clients n’existe donc plus car peu se posent les bonnes questions. Elles sont pourtant extrêmement simples : On en revient à l’onglet « Qui sommes-nous » des sites.
Si les gens sont capables de commander des produits sur un site inconnu, d’envoyer de l’argent et même de noter leurs identifiants bancaires sans savoir qui est derrière un site, on frôle l’inconscience totale!
L’autre problème, c’est que plus personne ou presque ne fait plus la différence entre des experts et des opportunistes, entre les sachants et des bonimenteurs, entre les artisans des industriels, etc, etc…
Si sur nos vélos de « course », la présence de marques célèbres sur les sites marchands nous rassure, coté vélo électrique ou de villes, c’est nettement moins clair. Les marques sortent de nulle part, les moteurs, on n’en parle pas et coté composants, à part un pauvre dérailleur Shimano pour faire illusion, on a bien souvent affaire à des produits de piètre qualité.
Mais le summum de l’inconséquence de cette attitude désinvolte face à l’achat sur internet revient aux trottinettes : les gens achètent des trottinettes partout et, de préférence, chez ceux dont ce n’est pas le métier : Norauto, Darty, Fnac, Boulanger, etc…
Comme si chez Decathlon, on vous vendait un lave-vaisselle !
On en est là.
Et le réveil est douloureux. Au moindre pépin, les ennuis commencent.
Qui va réparer ?
Avec quelles pièces détachées ?
Alors ces acheteurs-là se retournent, cette fois-ci vers de vrais professionnels du vélo, qui, le plus souvent, ne réparent que leurs propres produits. À raison.
Voilà comment un achat internet pris à la légère, uniquement réalisé à l’aune d’un prix canon, se transforme en piège…
Attention ! Dérrière un site, tout est possible. (Image par Eveline de Bruin de Pixabay)
Credit : Pixabay, peter

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