Visite chez Zipp

Ça tourne de plus en plus rond,
à Indianapolis…

En dix ans, Zipp a tout changé, sauf son image, la marque demeurant le maître du vent et de l’aérodynamisme. En gommant, au passage, ses petits défauts de rigidité. Tout cela grâce à Sram, qui a avalé le légendaire fabricant en 2008…

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Mars dernier, aux portes d’Indianapolis, Speedway, Indiana.
Coincé entre les grands lacs au Nord et le début sud-américain du Kentucky et du Missouri, Indianapolis n’existerait pas sans ses incroyables 500 miles courus sur l’anneau légendaire par des voitures aussi rapides que folles. A moindre échelle, mais bel et bien calée dans la roue des 500 Miles, Zipp est l’autre marque mondialement connue qui fait la réputation de la ville. Et pour cause, Indianapolis, c’est plat comme… le plat pays !

Pas étonnant qu’ici, on ait vite choisi l’aérodynamisme comme argument commercial !

En 2006, lorsque nous étions venus ici pour la première fois, Zipp était une PME en plein boom, mais une PME quand même. Des locaux simples mais fonctionnels, déjà grands, des jantes fabriquées sur place, un rayonnage à la main et une image de constructeur presque plus tourné vers le triathlon que la route « pure ». A l’époque, Zipp équipait la CSC de Jalabert et fabriquait encore le VumaQuad, cet incroyable pédalier carbone de 560 g et axe BB30. Le boss s’appelait Andy Ording.

Et puis vint Sram. Avec sa force de frappe. Sachant faire plein de choses, mais pas de roues. Ils sont américains, savent que « big is beautiful », et il leur faut des roues. Alors, ce seront des Zipp…

ZIPP 2016 : TOUT A CHANGÉ, RIEN NE CHANGE !

La société Zipp est née en 1989. En proposant des cadres carbone de triathlon. Puis des roues. Puis des composants. En 2007, Sram les rachète, donc, et leur donne les moyens de leurs ambitions. Enormes…

Le plus impressionnant, en entrant dans leurs nouveaux locaux, c’est
que je crois reconnaître la société visitée il y a déjà dix ans. En deux
ou trois fois plus importante.
roue-zippTout d’abord, la production est toujours faite aux US à 100%. Un miracle par les temps qui courent. Ici, à Indianapolis. Fief de la vitesse et de la testostérone made in America, seuls les hommes ont changé : je découvre Jason Fowler (wheels product manager), Nathan Schickel (product manager) ou Declan Doyle (le manager du team). Ils sont jeunes, brillants et… sympas ! Ouverts à la discussion, et prêts à répondre à toutes nos questions.zipp-team
Après un tour de l’usine, nous constatons vite que, techniquement, Sram a joué la continuité. Je retrouve tous les postes, les ateliers d’avant, mais en taille super héros à la Marvel : là où ils y avaient dix moules de jantes, j’en vois quarante. Là où le contrôle se faisait manuellement, scanner à main à l’appui, je découvre un mur d’écrans où chaque paire de roues se fait littéralement autopsier (et avaler) par les machines à qui rien n’échappe, et certainement pas un « lay-up » défaillant ou encore une tension inégale de rayons…
machine-zippmachine-sramJe vois aussi que, curieusement, au rayonnage, des hommes ont remplacé des femmes !
rayons-a-la-chaineJ’étais inquiet. Je craignais qu’avec Sram, Zipp ait cédé aux sirènes asiatiques quant à la fabrication de ses roues. Il n’en est rien. Mais ici
aussi, contrairement à ce qui s’était passé il y a dix ans, la paranoïa de la copie a frappé : j’ai vu beaucoup de choses que vous ne verrez pas. Ils m’ont presque tout montré. Et globalement, il n’y a pas beaucoup de différences par rapport à ma visite en 2006 ici même, dans l’ancienne
usine Zipp. A un détail près : le contrôle. Le niveau atteint par les outils
de contrôle des produits, jantes, moyeux et rayonnage est absolument
phénoménal.
jantes-carboneSi toutes, je dis bien toutes, les opérations liées à la manipulation du carbone sont toujours manuelles, le contrôle, à chaque étape, atteint des sommets. On pèse, on note, on identifie, on marque au laser tout ce qui bouge. Même la chaîne de fabrication a été optimisée de manière « automatique ». L’objectif est double : éviter toute erreur humaine, et réaliser un produit fini irréprochable. Quant aux soucis relevés lors de récents tests, il faut avouer que Zipp les a quasiment tous réglés sur leurs roues : presque aussi réactives et nerveuses qu’avant, elles ont beaucoup gagné en rigidité et demeurent au sommet de la performance aérodynamique…

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POURQUOI LES PNEUS ? POURQUOI CES JANTES SI LARGES ?

Mais si l’AC Mag est ici, c’est aussi pour trouver une réponse à cette question qui ne cesse de m’interroger : pourquoi diable Zipp s’est mis
à faire grossir nos roues à vue d’œil et creuser la tombe des jantes à boyaux depuis quelques années ? Car, c’est finalement là que les choses ont véritablement changé.

Ce sont Nathan et Jason qui se chargeront de la délicate réponse. Les pneus, pour eux, sont ainsi pour gagner en confort. C’est aussi plus facile à entretenir et à monter. Moins angoissant, en tout cas, pour Monsieur tout le monde qui percerait au bord de la route avec ses roues à boyaux. Ce n’est pas entièrement faux. Chez Zipp, on pense aussi que, s’agissant des nouvelles générations qui n’ont pas commencé en utilisant des boyaux, ce ne serait ni un crève-cœur ni une trahison. Bien. Mais quid du pur rendement, de l’efficacité, voire du poids ?

De mon côté, j’avoue que les pneus d’aujourd’hui offrent un rendement
sans commune mesure avec ceux d’antan. Mais cela ne suffit pas à tout expliquer. En fait, il semble bien que tout soit lié à la sécurité. Ou plutôt à l’éradication de problèmes et plaintes liés à l’utilisation de boyaux et… de colle ! Un client américain est procédurier par nature. Un boyau collé, c’est une « technologie » de Cro-Magnon pour lui. En cas de chute, le système boyaux/colle fait immédiatement office de bouc émissaire. Donc le constructeur. Et ça, Zipp, l’Américain, n’en veut pas. Alors on explique que le pneu, c’est au moins aussi bien… Soit !
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Mais la question qui tue, alors, c’est pourquoi les « pros », à de très
rares exceptions près, continuent de rouler en boyaux ? Les fabricants n’hésitent jamais à mettre en avant leurs coureurs « pros » pour justifier une technologie d’avant-garde plus efficace ou indiquer que ces derniers préfèrent tels ou tels nouveaux composants.

SAUF QUE LÀ, ÇA COINCE.

Jason, qui n’est pas né de la dernière pluie en terme d’ingénierie, ne nie rien du tout à ce sujet. C’est d’ailleurs tout à son honneur. Reste qu’à chaque fois que je pose cette question, la réponse que j’obtiens n’est pas vraiment franche, claire ou nette.

A leur crédit, on sait, par expérience, que les « pros » sont tout sauf des exemples à suivre. Ils sont jeunes, n’ont pas beaucoup d’expérience quant aux différents produits et modèles de roues existants, sont rarement doués d’un sens fin de l’analyse et, enfin, n’ont pas le choix !

Mais la question demeure : par quel miracle roulent-ils toujours en boyaux? Mystère ! Nos 10000 kilomètres en avion n’auront pas permis d’élucider ce mystère. La franchise toute commerciale d’un groupe d’ingénieurs de Zipp a quand même ses limites. Ils sont cependant allés au-delà de tout ce que nous aurions pu imaginer.

En clair, la position de Zipp serait celle-ci : les progrès réalisés par les roues à pneus ne méritent pas de continuer à s’embêter avec des boyaux.

Reste que cela marche dans les deux sens : si les teams « pros » n’ont pas le choix, comment des sponsors tels que Sram, Zipp, et les autres n’arrivent pas à imposer leurs volontés ? Pour une simple raison, d’après nous : ils ne parviennent pas à leur expliquer les avantages des pneus. Comme pour nous, en fait.

Seconde question : nous, fiers amateurs, pourquoi aurions-nous besoin de rouler sur des roues de Formule1 alors que nous n’avons ni le niveau de pilotage requis, ni les pistes pour, ni même le besoin ? Réponse simple, dérisoire, mais tellement humaine : parce qu’on veut faire comme les « pros » !

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LANCEUR D’ALERTE ?

Le futur sera fait de roues carbone à pneus dotées de disques… C’est en substance le message de Zipp depuis quelques années.

Avec Sram, Zipp a pris les épaules économiques et marketing qui leur
manquaient. Techniquement, les produits ont vraiment progressé. La
direction choisie de (presque) tout mettre sur les roues à pneus nous attriste un peu mais on peut la comprendre. D’autant qu’il reste dans la gamme de quoi faire côté boyaux.

Quoi qu’il en soit, Zipp est LA marque qui a lancé les roues carbone à pneus. C’est elle qui « fait » le marché. Personne d’autre n’a la puissance de feu nécessaire pour en faire autant. Et puis, on peut considérer que la marque se « mouille » dans cette direction depuis au moins trois ans. Ce qui est extrêmement respectable.

Enfin, on doit vous avouer, en toute transparence, que nous avons été définitivement conquis, humainement, par l’équipe Zipp. On est loin, très loin de la vision européenne des Américains-types : ici, on est ouvert, curieux, presque humble, et on écoute l’autre. Ca change tout.

Nick James : le monsieur roues de Zipp.

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Nous avons eu la chance de le rencontrer : Nick est une légende vivante chez Zipp, il a monté toutes les roues utilisées par les champions de la marque. Wiggins, Cancellara, Cavendish, Tony Martin, et tous les autres, c’est lui. Personne d’autre. Ça classe un homme.

Il faut savoir qu’une jante parfaite, contrairement aux jantes aluminium
d’antan se rayonne en un tour de mains.

Nick James : « Aujourd’hui, rayonner une roue n’a plus rien à voir avec ce que l’on a connu. L’aluminium réagit nettement plus à la tension. Chaque rayon doit être tendu comme il faut, à l’identique de son voisin ! Une erreur, et la roue se fragilise entièrement. Une autre époque… »

Avec le carbone, tout va plus facilement. En revanche, les jantes sont plus cassantes. Alors, si pour Nick, cela paraît facile, ce n’est pas tout à fait le cas. Et puis, à Paris-Roubaix ou sur le Tour des Flandres, lorsque les mécanos montent vos roues sur les vélos de ces champions qui ne visent que la gagne, il faut être plutôt sûr de son travail…

Les patins de marque, juste du business ?

Bonne question ! Depuis quelques années, plus une paire de roues haut de gamme carbone n’est vendue sans ses patins. Souvent sans marque, d’ailleurs. La raison n’est pas commerciale, elle tient dans la volonté qu’ont les fabricants d’éviter tout accident et surtout d’éviter que les assurances, encore elles, ne viennent accuser Pierre, Paul ou Jacques afin d’éviter de payer. Techniquement, les patins de haut de gamme se valent. Ce qui fait la différence, c’est leur point de chauffe. Il faut qu’il soit parfaitement lié à celui de la résine de la jante, pour une efficacité maximale. Il faut donc que les deux chauffent de concert. Donc, si vous achetez des patins au top, mais dont la température idéale de fonctionnement n’est pas adaptée, ce n’est pas bon.

Seul petit problème, personne n’est capable et/ou personne n’indique ces informations sur les patins !

Résultat, mieux vaut acheter des patins de la marque en question, même s’ils proviennent forcément de chez les grands fabricants de patins connus et reconnus.

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